Si jamais vous allez au Maroc un jour ou si vous y vivez, vous allez sans doute remarquer que c’est un peuple enivré, le Maroc est un pays où on a la quasi-certitude que les 35 millions de personnes y vivant sont sous effet de substances à effet anti-dépresseurs ou anxiolytiques, et pourtant si vous posez la question _au sujet de cette addiction_ à n’importe quel marocain il vous répondra sans hésiter « A3oudou Billah, Ach katgoul ?! ».
Rien de surprenant, jamais un enivré n’admettra qu’il est dans un état pas très normal. Vous allez déambuler dans les rues en vous disant que vous êtes juste paranoïaque ou que c’est juste l’effet d’être dans un nouveau cadre que vous voulez découvrir, après ce n’est pas trop votre affaire, chacun fait ce qu’il veut du moment que cela ne dérange personne.
D’une petite ruelle à une autre vous découvrez les petites spécificités du pays, ses odeurs, ses couleurs, sa cuisine, vous découvrez que pour une fois vous avez le temps d’avoir le temps, le temps d’errer d’apprécier et contempler. Après vous vous dites que vous étiez mal informé au sujet du pays, on vous a quand même menti sur un tas de choses, pour l’instant vous n’avez pas vu d’imam frapper les femmes qui ne mettent pas le voile dans la rue, vous avez même vu des marocains portant autre choses que de vieilles djellabas déchirées comme vous l’avez vu sur le magazine que vous avez lu en salle d’attente chez le dentiste mardi dernier.
La surprise ne s’arrête pas là vous avez fait la connaissance d’Aziz, un chauffeur de taxi qui non seulement ne vous a pas facturé 100 euros pour un trajet en taxi, mais c’est quelqu’un qui parle arabe, français, anglais, on est loin du stéréotype du marocain qui ne cherche qu’à gratter quelques pièces à toute personne n’ayant pas la peau ébène. Il faut le dire, le Maroc vaut vraiment le coup.
En rentrant de votre journée riche en découvertes, vous vous arrêtez devant un petit café, ou salon de thé vu le nombre de verres de thé que vous apercevez sur les tables des clients, vous décidez de vous joindre à une table où sont assis deux vieils hommes qui jouent aux dames, ils ont l’air très concentrés dessus et comme vous êtes un risquophile vous interrompez la partie en demandant s’il serait possible de les joindre pour boire un verre de thé et parler du Maroc et sa culture vu que vous en êtes désormais passionné, vous gardez quand même une distance d’un mètre ou deux entre vous et ces messieurs par respect mais aussi parce que vous anticipez une lancée de babouches vu que la partie de jeu de dames a l’air une affaire très sérieuse ici. A votre grande surprise, les deux vieils hommes vous accueillent avec un large sourire « Oui, approchez asseyez-vous Marhaba ».
Vous entamez alors une longue discussion au sujet du pays, sa culture, son histoire, ses traditions et ses coutumes, c’est tellement intéressant que si Driss (un des vieils hommes, qui a gagné la partie d’ailleurs) était votre professeur d’histoire-géo alors cette matière aurait été votre préférée au lycée, vous êtes tellement à l’aise que vous vous dites je vais poser la question qui fâche je vais leur demander de quoi les marocains s’enivrent, d’eau de vie comme ils l’aiment l’appeler ?
Un moment de silence s’installe alors, et puis voilà la réponse tant attendue, « Ici Weldi (fiston) on s’énivre d’hospitalité et d’amour, on est peut-être pas aussi riches que d’autres pays de ce monde mais la richesse est dans nos cœurs, tant que vous êtes notre hôte vous gouterez à notre hospitalité, vous avez sans doute vu des gens qui vous ont souri, qui vous ont ouvert leurs portes c’est tout simplement une partie de notre identité, une fois que nous ferons autrement nous aurons oublié ce que nous sommes ». Face à des mots aussi sincères la moindre des choses que je pouvais faire pour ces deux nobles c’est de payer l’addition, trop tard Haj Brahim l’avait déjà fait.