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Friday, December 8, 2023

Les atouts et les faiblesses du modèle économique marocain : Analyse

Depuis une dizaine d’années, l’Etat marocain tente de passer d’une économie en voie de développement à une économie émergente dans le monde. L’idée de cet article est d’analyser les points forts et faibles du modèle économique marocain qui s’inscrit dans le cadre d’une économie de marché très ouverte.

1.  Les atouts du modèle économique marocain : Une politique structurelle ambitieuse

a) La proximité avec le marché intérieur de l’Union Européenne : Situé à 15 km de l’Espagne, le Maroc dispose d’une proximité géographique, à proximité de l’UE. Disposant d’un partenariat avancé avec l’UE, le Maroc est le premier exportateur de fruits et légumes (hors-UE), de phosphates et de produits manufacturés (automobiles, pièces aéronautiques, électronique etc).

b) Stratégie industrielle en faveur d’une montée dans la gamme et d’une diversification : Le Royaume a lancé depuis 2014 : un plan d’accélération industrielle. Les premiers résultats ont permis au Maroc d’hisser la production automobile comme premier secteur d’entrées de devises. De plus, le Maroc vise une intégration locale dépassant les 60% en 2020 pour générer de la valeur ajoutée dans sa production. Grâce à son attractivité, le Royaume a su attirer des grandes multinationales, des équipementiers, sous-traitants dans des domaines divers : aéronautique, automobile, l’offshoring, l’électronique, le textile etc.

Ensuite, le Maroc arrive à gagner des avantages comparatifs dans le domaine de l’automobile mais reste assez limités en chimie, aéronautique etc. Ce qui explique également pourquoi la croissance du PIB non-agricole ne dépasse pas la valeur ajoutée agricole.

c)  Stabilité politique et une politique macroéconomique de stabilité : Les engagements des réformes de démocratisation de l’Etat, de l’administration rassurent les marchés financiers et le Maroc dispose d’une confiance. Cette stabilité permet la soutenabilité de la notation de la dette marocaine par les agences financières et permet d’attirer des investissements productifs à l’économie marocaine.

La consolidation des finances publiques dans la continuité du programme d’aide du FMI a favorisé un rééquilibrage des comptes publics. La réforme des subventions a, en effet, permis de réduire significativement les dépenses courantes, permettant d’alléger structurellement le budget de l’état. En outre, la baisse du déficit public s’explique par la diminution des dépenses courantes et par une augmentation des recettes publiques, notamment la hausse des recettes douanières et de la fiscalité domestique. Après s’être contracté en 2016, le déficit public continuerait de diminuer en 2017. Le temps pris pour former un gouvernement ne devrait pas altérer la mise en place de la loi de finance 2017. La croissance économique conjuguée à une meilleure collecte de l’impôt favoriserait les recettes. Les dépenses en investissement se poursuivraient avec un accroissement des investissements dans le cadre du Plan Maroc vert, ainsi que dans les secteurs des énergies renouvelables, mais aussi dans celui de l’éducation. Le ratio dette publique sur PIB qui reste élevé diminuerait en 2017. La consolidation des finances publiques et une meilleure gestion de l’endettement conduiraient en effet à une inflexion de la trajectoire de la dette.

En 2017, le Maroc continuerait de bénéficier  de la faiblesse des cours des hydrocarbures lui permettant, ainsi, de conserver un déficit énergétique réduit, bien que légèrement en hausse par rapport à 2016. La légère reprise européenne conforterait la progression des exportations des secteurs automobile et aéronautique. La balance des services serait excédentaire grâce aux performances attendues du secteur des télécommunications, bien qu’encore contrainte par les perspectives en baisse du secteur du tourisme. Les IDE devraient maintenir leur niveau de progression en 2017.

Le secteur bancaire demeurerait profitable et bien capitalisé. La hausse des créances douteuses se poursuit dans le secteur textile, l’immobilier et le transport maritime, mais elles restent bien provisionnées. Le crédit devrait continuer à stimuler l’investissement de manière modérée en 2017 avec une reprise attendue des crédits aux entreprises.

e)  Une stratégie de diversification des débouchés à l’export grâce à sa politique africaine : Face à une zone Euro en perte de dynamisme, le Maroc est conscient qu’il doit exporter dans des zones où la demande croît. Ses relations avec l’Afrique et son adhésion prochaine à la CEDEAO permetteront au Maroc de profiter de la zone de libre-échange et d’Union Douanière pour écouler ses produits. L’UE, la Russie, les USA, la Chine, le Brésil et l’Inde sont les principaux clients du Royaume.

f)  Une politique de grands travaux pour les infrastructures et un potentiel touristique : Afin de renforcer son attractivité à l’international et diminuer les coûts aux échanges, le Maroc a mis en place une politique de grands travaux : ports en eaux profondes et intégralement connectés comme Tanger-Med, Jorf Lasfar, Dakhla Atlantic, Casablanca Port, Nador West-Med, des autoroutes, TGV etc. Cette stratégie a permis de gagner au moins 1 point de croissance au Maroc sachant que le commerce est une part importante de la croissance.

Enfin, le Maroc dispose d’un potentiel touristique très important (11 millions de touristes/an), toutefois, son potentiel n’est pas pleinement exploité.

g) Une auto-suffisance alimentaire et une stratégie énergétique dynamique : Grâce à la politique des grands barrages et des méthodes d’irrigation (goutte à goutte etc), le Maroc a su assurer une autosuffisance alimentaire. Par ailleurs, la COFACE classe le Maroc comme « pays à risque très faible » au niveau agricole. Toutefois, la sécheresse aura un impact fort sur les récoltes du Royaume dont l’agriculture pèse 40% des emplois de la population active. Il est donc urgent de trouver des alternatives pour pouvoir maintenir l’irrigation comme l’installation d’usines de désalement d’eau de mer, creuser des puits, recycler les eaux usées.

Premier poste de sorties de devises, les importations d’énergie représentent plus de 50% des importations du Royaume. La Stratégie Morocco 2050 pour le renouvelable est une stratégie ambitieuse qui permettra de réduire, considérablement, le déficit de la balance commerciale. La part du renouvelable dans le mix énergétique du Maroc atteindre 42% en 2020 et 52% en 2030. Pour les consommateurs marocains, il s’agit d’une nouvelle favorable pour leur pouvoir d’achat.

Actuellement, le gouvernement favorise la prospection de recherche d’hydrocarbures (gaz, pétrole etc) dans l’ensemble du Royaume pour compléter sa stratégie Morocco Gas to Power qui s’appuie sur la diversité des fournisseurs (Russie, USA, KSA, Nigeria etc) et la prospection. A noter qu’une diversité des fournisseurs est favorable au Maroc car il peut jouer la concurrence sur les prix.

 

2.  Les faiblesses du modèle économique marocain : Le social à la traîne : 

  • Economie très dépendante des performances du secteur agricole : En 2016, la croissance du Royaume aura été de 1,5%. Il faut interpréter ce taux de croissance comme une « récession » puisqu’il était en-déca de la croissance démographique. Plus de 50 ans après l’indépendance, la croissance marocaine reste tributaire des aléas climatiques. Une sécheresse peut paralyser complètement l’activité économique (augmentation du taux de chômage, de la pauvreté etc) d’où l’importance de développer les activités non-marchandes et industrielles.
  • Importantes disparités sociales et régionales : Dans l’espace géo-économique du Royaume, 5 régions sur les 14 régions contribuent pour plus de 50% du PIB ce qui explique les écarts de développement et les inégalités sociales. Un développement régional harmonisé permettrait au Maroc de réduire significativement la pauvreté, le chômage des jeunes. La non-application de la régionalisation avancée et d’une lutte superficielle contre la corruption endémique pèse lourd dans les écarts régionaux.
  • Faiblesse de la productivité et de la compétitivité : Malgré une stratégie de remontée dans la chaîne de valeurs et des gains accumulés dans l’automobile, le Maroc conserve des avantages dans la valeur ajoutée faible et moyenne : textile, chimie, agro-alimentaire etc.  Le travailleur marocain coûte très cher par rapport à sa création de richesse. Cette constatation est partagée par de nombreux économistes qui soutiennent que le secteur public marocain, en particulier, l’administration surpaie. Avec le SMIC le plus élevé du continent, le Maroc doit s’orienter vers une compétitivité en termes de qualité des produits.
  • Inadéquation entre l’offre et la demande de travail : La structure économique du Maroc est basée sur une économie à faible et moyenne valeur ajoutée. Les étudiants marocains sont de plus en plus qualifiés mais la structure économique n’évolue pas, au même rythme. Par conséquent, il existe une inadéquation entre l’offre et la demande de travail où les jeunes diplômés sont « trop qualifiés » par rapport aux postes d’emplois disponibles (agricoles, banque, industrie textile etc). Ainsi, l’Etat n’arrive pas à résorber un chômage des jeunes (25%) qui est un phénomène structurel et non conjoncturel.
  • Un développement humain et social à la traîne : La stratégie d’endettement comme levier de développement a eu des effets limités sur le domaine social qui évolue peu. En effet, les subventions dans les produits de première nécessité ont permis de garantir la paix sociale. Toutefois, le rythme de la réduction de la pauvreté et de l’analphabétisme est encore insuffisante. Pourquoi ? Afin de garantir la soutenabilité de la dette et une protection contre des chocs externes, des réformes de privatisation du secteur public (enseignement, santé etc) sont préconisés par les créanciers du Maroc. Un mismatch se met en place au Maroc où on préconise la stabilité macroéconomique au détriment du social. Des réformes structurelles et régionales sont également des solutions crédibles pour sauver l’éducation et la santé publique dans le Royaume.
  • Un endettement peu productif : Dans de nombreux pays, la dette est utilisée comme levier de développement. Toutefois, le bilan de cette stratégie est limitée dans les résultats à court-terme. Le Maroc a pu réduire le taux de pauvreté (19% désormais), l’analphabétisme (encore présent à 30%), améliorer l’état de ses infrastructures et redynamiser une stratégie industrielle. Les stratégies de long-terme préconisent l’éradication de l’analphabétisme. Le PIB/hab a doublé en 10 ans mais la dette a favorisé le développement structurel mais pas le développement social.

 

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