Dans le livre de Fernand Benoît, “L’empire de Fez: Le Maroc du Nord”, il décrit:
L’histoire du Maroc tient dans la possession de Fès. Car Fès a seule le pouvoir d’asseoir une dynastie. Celle-ci, éclose dans les déserts, y troque le vêtement du bédoin contre celui des gens des villes; parfois, au parfum vénéneux de ses richesses, elle en meurt.
A peine nées des sables brûlants du Sud, les dynasties s’élancèrent à la conquête de Fès. Tous les sultans la cajolèrent, la massacrèrent, la soumirent; car sans la possession de Fès, le prétendant était condamné à errer et bientôt remplacé par un rival heureux. Aujourd’hui encore, les Ouléma de Fès doivent élire et consacrer le nouveau Sultan. Etonnante puissance d’une ville dont la population est hétérogène à l’excès, Juive, Berbère, Andalouse et même Arabe, et qui est cependant devenue la ville sainte de l’Islam d’Occident…
Successivement, les Almoravides sorties du Sénégal, les Almohades mûris aux pentes du Haut-Atlas, à Tinmel, les Merinides sahariens, les Saadiens du Draa, les Alaouites, enfin, nés dans ce prolongement du Sud, le Tafilalet, qui conserva le nom légendaire du royaume de Sidjilmassa, conquirent la capitale de l’Islam marocain.
De nos jours, c’est encore du Sud, de la mystérieuse Zaouïa de Smara, citadelle religieuse du Rio de Oro, que surgit le “Sultan bleu”, El Hiba,, proclamé à Tiznit, dont l’épopée fut celle des fondateurs de dynastie et répéta celle du Mahdi Ben Toumart, jusqu’au jour où l’écrasa la colonne Mangin.
La possession de Fès est un signe de victoire. Elle donne la mesure de la puissance des prétendants et est leur consécration. Fès fut l’unité du Maghreb. Car, pour l’atteindre, le torrent dut bousculer la masse inerte de la montagne berbère qui s’oppose à son cours. Sa conquête entraîna celle du couloir de Taza jusqu’à Tlemcen et Oran, et celle de l’Afrique méditerranéenne jusqu’à Alger et jusqu’à Kairouan.
Croyez-vous que les Almohades se fussent arrêtés à soumettre les montagnes du Sud et à en dénombrer les tribus? C’est vers le Nord qu’Abd El Moumen, dès son avènement, en 1130, porta ses armes victorieuses, à Taza, à Oran, à Tlemcen et à Fès.
Les Mérinides, nomades transhumants entre Sidjilmassa et Biskra, sur les plateaux de la rive méridionale du Maghreb, commencèrent leur règne heureux en s’emparant de Taza, de Meknès, de Tlemcen et de Fès. Ayant assis leur dynastie, ils songèrent à conquérir Marrakech, la grande ville Berbère du Sud, et le royaume de Sidjilmassa, qui se morfond sur les bords de ses oueds.
Les Saadiens eux-mêmes qui firent de Marrakech leur capital, las de perdre Fès, la tinrent en respect sous les canons de leurs bordjs qui font planer sur la ville une perpétuelle menace et leurs successeurs fondèrent une capitale nouvelle, dans le Nord, aux portes de cette ville, à Meknès, dont les monuments, d’un style décadent, disent l’évolution artistique de l’Islam.