Watan – Il n’y a pas un seul jour qui passe sans que des délinquants et des criminels se permettent d’exceller dans une pratique ancienne, celle des bandits de grands chemins. La pratique est très simple, de nuit, les malandrins se positionnent sur un pont autoroutier, pour y jeter des pierres ou d’autres objets. Les automobilistes deviennent la cible des jets.
Par chance, certaines personnes ont pu s’en sortir, c’était le cas de l’ancien Ministre de l’Intérieur Mohand Laenser. Il a été victime d’un jet de pierre sur le réseau Tanger-Assilah, incident survenu en février dernier. Mais parfois, le drame survient, lorsque par effet de surprise, par blessure, l’usager décède sur le coup ou par « ricochet ».
Le but est simple, après avoir attaqué le véhicule, les bandits s’élancent pour voler les biens des automobilistes.
Si les autorités sont absentes du rôle qu’il est nécessaire de lui attribuer, l’administration marocaine est quant à elle véritablement sur la bande d’arrêt d’urgence. En réalité, il n’est pas nécessaire de poursuivre le concessionnaire à savoir ADM (Autoroutes du Maroc), puisque la sécurité publique incombe de la responsabilité de l’Etat marocain, conformément au principe de l’Ordre Public (Salubrité, Sécurité, Tranquillité).
L’article 5 de la loi n°4-89 relative aux autoroutes dispose que « tous les terrains, ouvrages et installations et en général tous les biens immeubles directement nécessaires à la construction, l’entretien et l’exploitation d’une autoroute, font partie du domaine public de l’Etat. […] En cas de concession de la construction, de l’entretien, de l’exploitation de l’autoroute, les biens visés au précédent alinéa sont mis à la disposition du concessionnaire dans les conditions fixées par la convention de concession et le cahier des charges. »
Donc, à ce niveau, il est nécessaire de s’intéresser à la convention de concession entre l’Etat marocain concédant et la société publique de droit privé Autoroutes Du Maroc concessionnaire. Il existe donc pour chaque tronçon autoroutier des conventions de concession, permettant de justifier le partage des responsabilités, les obligations, etc.
Nous avons contacté la société ADM pour pouvoir accéder aux conventions de concession pour ainsi mieux connaître les attributs de la responsabilité. Puisque la société décline toutes responsabilités en lien avec les jets de pierres. Mais étant donné qu’il s’agit d’une concession, il y a bien un transfert, celui du service public. Néanmoins, il est nécessaire de préciser qu’ADM est une filiale publique à statut juridique de société anonyme de droit privé. Si l’organisation interne est soumise au droit public, mais l’activité de cette entreprise est régie par le droit privé.
C’était le cas par une affaire portée au tribunal administratif sis Rabat par Mme…X visant à exiger réparation en assignant la société ADM en justice. Rappelant rapidement les faits, Mme…X au volant de son véhicule en circulation sur le réseau autoroutier marocain (Casablanca-Rabat), concédé à ADM, a subi un dommage à savoir jet de pierres sur son véhicule causant à la plaignante des blessures.
Attendu que Mme…X a assigné la société ADM en réparation du préjudice subi auprès du tribunal administratif de Rabat, que ce dernier s’est déclaré compétent. En premier ressort Mme…X a obtenu gain de cause, puisqu’en première instance la société ADM a été assignée au paiement de 150 000 dirhams. Les arguments du tribunal portent sur le fait que « ADM doit assurer la sécurité des usagers ». ADM a donc interjeté appel à cette décision. La cour d’appel a donc décidé d’annuler la décision en premier ressort, en estimant que ADM ne pouvait être tenue comme responsable des actes de vandalisme survenus sur le réseau autoroutier. Une décision logique.
Mais en réalité, il y a une problématique de compétence, car Mme…X s’est appuyée sur le ticket de péage pour prétendre à la responsabilité de la société ADM d’assurer la sécurité des usagers, sauf que le ticket de péage attribue un simple droit d’usage du réseau. Puis il faut pouvoir prouver le manque à ses obligations. De même, nous sommes bien dans un litige d’ordre privé, normalement la compétence est celle de la juridiction judiciaire. Nous n’allons pas rentrer dans les conflits entre juridiction administrative et civile, mais il est nécessaire de s’interroger sur ce cas.
En réalité, la responsabilité incombe à l’Etat, sauf si celui-ci a transféré d’autres prérogatives, c’est pour cela que la clé se trouve au cœur des contrats de convention. Nous allons donc mettre à jour cet article, une fois qu’ADM nous enverra les contrats de convention des différents réseaux.
Cette question des jets de pierres a été adressée à Monsieur Abdelkader Amara, Ministre de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, lors d’une question orale en session parlementaire. Le ministre a répondu que « Les Autoroutes du Maroc sont sûres et les ponts autoroutiers seront dotés d’une clôture pour la sécurité des usagers ».
Contrairement à ce que Monsieur le Ministre énonce, non les autoroutes du Maroc ne sont pas sûres, en raison de l’absence des mesures de police de l’Etat, pour garantir la sécurité publique, comme en témoignent les différentes affaires et les décès. Un usager peut très bien poursuivre l’Etat marocain ou l’administration, ou les autorités compétentes devant la juridiction administrative pour exiger réparation.