Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.
La lutte contre le terrorisme est au centre de beaucoup de discussions nationales et internationales. Actuellement, il y a une utilisation et une déformation idéologique de la religion musulmane chez certains groupes, comme Al-Qaïda et Daesh, qui combinée à l’usage de la violence et notamment du terrorisme développe une ambiance de suspicion généralisée en Europe. Des pays musulmans, comme le Maroc, sont eux aussi visés (bien plus qu’on ne le pense).
La lutte contre ces groupes infra-étatiques se fait par le biais des services de renseignement nationaux. Ces derniers entretiennent une coopération internationale. La lutte contre le terrorisme est une priorité de la sécurité nationale de chaque pays et de la sécurité internationale. Le Maroc, du fait de son expertise joue un rôle important dans ce domaine. Il est, par exemple, l’un des rares pays de la région MENA à participer au Forum mondial de lutte contre le terrorisme (GCTF).
Le Maroc peut se targuer de l’efficacité de son service spécialisé, le BCIJ, basé à Salé. Dirigé par Abdelhak Khiame, ex-patron de la brigade de la police judiciaire, il est le véritable bras armé de la DGST. Quatre ans après sa création, il a démantelé pas loin de soixante dix cellules terroristes au Maroc et un millier de terroristes présumés ont été interrogés. La procédure implique de les déférer ensuite devant le procureur chargé des affaires de terrorisme à la Cour d’Appel de Salé.
Les services de renseignement marocains collaborent avec le G6 européen (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pologne). Mais pas seulement. Le BCIJ a également réalisé des investigations sur des actes terroristes perpétrés à l’étranger, comme après les attentats de Barcelone en août 2017.
Les évènements de ces derniers jours démontrent l´importance de ce service pour la sécurité du Royaume. Sept hommes ont été interpellés à Tamaris, au sud de Casablanca, ainsi qu’à Chefchaouen et Ouazzane. « Leurs préparatifs étaient à un stade très avancé pour perpétrer des actes terroristes visant des sites sensibles en mer et à l’intérieur de Casablanca, dans le but de nuire aux intérêts économiques du royaume », selon Abdelhak Khiame. Leur chef présumé avait tenté de rejoindre Daesh, au Sahel, en 2016, mais des « cadres opérationnels de cette organisation, avec qui il était en contact sur les réseaux sociaux, l’ont incité à commettre des attaques à l’intérieur du royaume », selon le patron du BCIJ.
Tout cela prouve que malgré la mort d’Al Baghdadi, ce groupe terroriste dispose des moyens logistiques et financiers pour intervenir dans n’importe quel pays. La vigilance doit rester de mise, tout comme la coordination, tant sur la plan interne que sur le plan externe.