#EditoDeMexico8 : Face à la pression populaire, encore combien de temps pour le pouvoir algérien ?

Chaque semaine, retrouvez l’Edito de Mexico sur DiscoveryMorocco.net dont l’auteur est  Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman).

La présidence algérienne a adressé un communiqué, le 11 mars annonçant le report de l’élection présidentielle du 18 avril 2019 et la promesse du président Bouteflika de ne pas briguer un 5ème mandat. Au pouvoir depuis 20 ans, il était contesté par des manifestations impressionnantes.

Le communiqué a également annoncé la tenue de l’élection présidentielle « dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante ainsi que la formation d’un gouvernement de compétences nationales ». Ahmed Ouyahia a démissionné dans la foulée de l’annonce du retrait d’Abdelaziz Bouteflika de la présidentielle et de son report. Ce haut fonctionnaire a été chef du gouvernement à de nombreuses reprises : de 1995 à 1998, de 2003 à 2006, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2019. Il est la seule personne à avoir été premier ministre plus d’une fois. Il a également été chef de cabinet du président de la République de 2014 à 2017 et secrétaire général du Rassemblement National Démocratique (RND) de 1999 à 2012 et depuis 2015. Ce parti, créé en 1997, est le parti du pouvoir, avec le FLN. Il est composé principalement de hauts fonctionnaires de l’État et de businessmen proches du régime. Il faisait partie des figures visées par les manifestants. Quel avenir politique pour lui ? Pourrait-il jouer un rôle durant ou après la transition ?

Mais pas de renouvellement puisque le nouveau premier ministre est un proche du chef de l’Etat. Noureddine Bedoui était ministre de l’Intérieur. Il sera secondé par Ramtane Lamamra, nommé au nouveau poste de vice-Premier ministre et en même temps ministre des Affaires étrangères (il l’avait déjà été entre 2013 et 2017). Les Algériens n’ont plus que le pouvoir de manifester. Le vendredi 8 mars, ils étaient au moins 10 millions de personnes à travers toute l’Algérie. Certains y ont vu un référendum contre le système et pas seulement contre le cinquième mandat. Mais en y renonçant et en reportant les élections présidentielles, le clan d’Abdelaziz Bouteflika a trouvé le moyen de se maintenir par la ruse.

Précisons que cette décision est anticonstitutionnelle. De plus, selon Ramtane Lamamra, cette conférence nationale « aura toutes les prérogatives et pouvoirs » d’une Assemblée constituante et que ses décisions seraient ensuite soumises à referendum. Aucun délai précis n´a été donné même si le président avait demandé à ce qu’elle termine ses travaux avant la fin de l’année.

La réaction du peuple algérien sera intéressante à scruter ainsi que les futurs candidats. Vers une candidature Benflis ? Ghadiri est-il le nouveau favori ? Quelle place pour l’opposition ?        La situation algérienne pose un certain nombre de questions et bien peu de réponses en ce 15 mars. La manifestation d’aujourd’hui sera un indicateur intéressant. Nous scruterons la réponse du pouvoir algérien avec attention.