#EditoDeMexico7 : L’Algérie face à la globalisation, une gouvernance politique et économique à redéfinir.

Chaque semaine, retrouvez l’Edito de Mexico sur DiscoveryMorocco.net dont l’auteur est  Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman).

Le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, est la cible d’une contestation d’envergure du fait de sa volonté d’effectuer un cinquième mandat alors qu’il est gravement diminué depuis 2013 et qu’il n’a plus été capable de prendre la parole en public. Enregistrée dimanche par le Conseil constitutionnel, sa candidature a été assortie de de différents engagements comme le fait de ne pas aller au bout de ce cinquième quinquennat et enclencher des réformes. Mais elles n’ont pas apaisé la contestation.

Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major, a averti que l’armée garantirait la « sécurité » et la « stabilité » et a accusé les contestataires d’être désireuses de ramener le pays aux « années de braises », en référence à la décennie noire qui a fait 200 000 morts. Sur le plan international, peu de réactions et quand elles existent elles sont mesurées. « Les États-Unis soutiennent le peuple algérien et leur droit à manifester pacifiquement », a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine, Robert Paladino. « Nous devons laisser le processus électoral se dérouler », a déclaré Jean-Yves Le Drian, ministre français des affaires étrangères, à l’Assemblée nationale. Personne ne souhaite se fâcher avec le clan au pouvoir, afin de ne pas insulter l’avenir. Le Maroc, par la voix du porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi, s’est contenté d´un « Je refuse, et le gouvernement refuse, de répondre à cette question ».

Les partis d’oppositions apparaissent incapables de s’unir et de formuler une alternative crédible. Et tout semble pencher en faveur d’une succession « interne » au clan présidentiel, dans le cas où le président respecte sa parole d’élections anticipées. Cela voudrait dire que les séquelles de l’ouverture démocratique de 1988-1991 de Chadli Bendjedid ne sont pas guéries. Mais la jeunesse l´acceptera-t-elle (54% a moins de 30 ans) ? Difficile de répondre positivement. Le défi pour l’Algérie est la transformation de son système de gouvernance, opaque et inefficace sur le plan économique.

En 1988, les émeutes venaient des quartiers populaires. Les classes moyennes n’ont rejoint le mouvement que plus tard croyant à la démocratisation de cette époque. Aujourd’hui, les classes moyennes, qui souffrent de l’inflation, participent aux manifestations contre Bouteflika. Le retournement du prix du pétrole depuis 2013-2014 a remis en cause la capacité des pays pétroliers à poursuivre la stratégie d’achat de la paix sociale.

Par ailleurs, le sort de ce pays intéresse et inquiète l’ensemble de l’espace méditerranéen et sahélien. Les enjeux sont considérables du fait de son territoire immense, de ses frontières nombreuses (six) et ses hydrocarbures.

Les hydrocarbures contribuent à 35% du PIB, 75 % des recettes publiques et représentent 95 % des exportations en 2018. Le secteur industriel manufacturier était à 5 % du PIB en 2015. La production agricole reste marginale en dépit des subventions étatiques. Fin décembre, le déficit a atteint les 9% du PIB et avoisine les 28% du PIB hors hydrocarbures. Les investissements publics sont financés par la planche à billets d’où une inflation supérieure à 4,5%. Faute de diversification et de modernisation rapide de son économie, l’Algérie devra se financer à l’extérieur, le FMI par exemple. La diversification indispensable du système productif s’impose donc car l’économie algérienne est fortement exposée aux chocs externes et la globalisation accentue les problèmes. Une baisse des prix du pétrole affecte directement les revenus étatiques. Les cours du pétrole sont tombés de 100 dollars le baril en 2014 à 46 dollars en 2016. La diversification de l’économie nécessite la mise en œuvre une politique industrielle active d’insertion international et une réforme profonde de l’État. Pour cela, la lutte contre la corruption et la création de mécanismes efficaces de transparence sont urgentes.

Qui pour mener ces chantiers colossaux ? Une chose est sure, ça ne sera pas Abdelaziz Bouteflika.