Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.
Les Marocains se voient contraints de changer leur vision des échanges internationaux car le reste du monde est en train d’évoluer. Le « patriotisme économique » semble devenir une mode et cela impactera directement le Maroc. Notamment si les investisseurs étrangers décident de rapatrier leurs activités et leurs investissements. Les relocalisations sont en marche depuis le Brexit et l´élection de Trump en 2016. La pandémie risque de les accélérer.
La semaine dernière, j’abordais à la fin de mon éditorial la question des accords de libre-échange signés par le Maroc. La question de la balance commerciale devient inquiétante. Nous importons plus que nous exportons. Ce problème est structurel. Une politique de veille économique et industrielle doit donc prendre forme. Les exportations vers l’Afrique doivent augmenter. A condition d’identifier les marchés porteurs.
Il faudra également saisir les opportunités qui s’ouvrent du fait de la pandémie, en matière d’IDE par exemple. Des investisseurs européens pourraient être amenés à délocaliser leurs entreprises d’Asie vers le bassin méditerranéen, pour des raisons de proximité géographique. Le Maroc doit tirer son épingle du jeu.
Selon la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), 47% des entreprises marocaines ont perdu 50% de leur chiffre d’affaires. Le confinement n´est pas la seule explication. Les difficultés d’approvisionnement et de logistique, tout comme la faible demande européenne (qui représente 60% des exportations marocaines) ont eu un impact fort sur les entreprises du Royaume.
Le secteur industriel doit donc être soutenu car il crée de la valeur. Les relations inter-sectorielles doivent être développées. Cela veut dire que la production d’un secteur doit être utilisé par un autre secteur. Pour le moment, le Maroc importe plus pour produire que pour consommer. Il semble donc nécessaire d’agir sur les « consommations intermédiaires » afin de produire de la valeur ajoutée.
Il faut donc organiser une forme d´autonomie stratégique. L’État stratège doit jouer sa partition. La révision de certains accords de libre-échange, l’encadrement des importations, et l’utilisation de la commande publique pour favoriser les TPME nationales sont des propositions. Néanmoins n’oublions pas que nous sommes intégrés dans des chaînes mondiales en ce qui concerne les importations et les exportations. Nous n’importons pas que pour consommer, mais également pour produire.
Face à la complexité de la situation et la gravité des enjeux, le pragmatisme est nécessaire.