#EditoDeMexico 62 : COVID-19, quelles conséquences financières pour l’État marocain ?

Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.

La crise engendrée par la pandémie aura forcément des répercussions sur l’économie marocaine dans sa globalité car l’interruption des activités entraîne un manque à gagner immense pour le secteur privé. Mais pas seulement. Les finances publiques seront aussi atteintes du fait de la diminution quasi inéluctable de certaines recettes. Les ressources fiscales qui financent 86% du budget de l’État vont baisser. La question des dépenses se pose donc mais ce n´est pas la seule.

Afin de l´anticiper, Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie et des Finances, a annoncé l’adoption du décret-loi autorisant le gouvernement marocain à dépasser le plafond des emprunts extérieurs pour 2020 permet l’activation pour la première fois de la Ligne de Précaution et de Liquidité. Un prêt de 3 milliards de dollars, approuvée par le conseil d’administration du Fond Monétaire International (FMI). Si le Maroc en avait déjà demandé quatre entre 2012 et 2018, il s’est toujours abstenu de les utiliser, leur préférant d’autres solutions sur les marchés financiers internationaux.

Son but est de permettre au Maroc d’assurer ses besoins en devises (recours à l’emprunt sur le marché international) étant donné qu’un ensemble de secteurs (tourisme, IDE, transferts des MRE) ont été impactés fortement par la pandémie. Sans aucun doute, ce recours à l’emprunt augmentera la dette publique. Rappelons qu’elle atteignait 750 milliards de dirhams fin de 2019, soit 65% du PIB. Par ailleurs, elle pourrait atteindre 80% du PIB en comptabilisant d’autres dettes garanties par l’État (au profit des établissements publics et des collectivités territoriales).

Pour sa part, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a révélé que le montant des réserves en devises du royaume est de 24 milliards d’euros; ce qui est « suffisant pour couvrir plus de cinq mois d’importations de marchandises et de services ».

Par ailleurs, les principales hypothèses macroéconomiques (croissance, emploi) sur lesquelles s’appuie la loi de Finances 2020 devront être revues et il ne fait aucun doute que la pandémie aura des effets sur l’investissement public. Il sera donc nécessaire de redéfinir les priorités nationales. Par exemple, un soutien important aux secteurs stratégiques, des réaffectations budgétaires au profit de la santé publique. Mais pas seulement. Il faut éviter l’austérité et soutenir à la fois l’offre et la demande.

Le pays doit en profiter pour mener à bien la réflexion concernant son modèle de développement.