#EditoDeMexico 45 : Les crises latino-américaines, différences et points communs

Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM. 

L’Amérique latine traverse l’une des étapes les plus incertaines et les plus instables depuis l’établissement de la démocratie électorale généralisée dans les années 90, La région n’a pas connu de situations aussi fragiles depuis les coups d’État et les guérillas des années 1960 et 1970.

Ces dernières semaines, l’intensification de la violence a augmenté avec la propagation de manifestations motivées par des forces politiques et sociales. Certaines ont instrumentalisé la polarisation sociale.

Au Chili et en Equateur, les manifestations contre les changements de politique économique ont causé des morts. Au Chili, les manifestations étaient dues à la décision du président Sebastian Piñera d´augmenter le coût du ticket de métro. En Équateur, les manifestations ont été lancées suite à la décision du président Lenin Moreno d’éliminer les subventions. La violence des manifestations a atteint un tel degré que Moreno a mis en place l’état d’urgence et a déplacé la capitale de Quito à Guayaquil. Le gouvernement a dénoncé la main de l’ancien président Rafael Correa derrière ce mouvement.

En Colombie, le ministre de la Défense, Guillermo Botero, a démissionné après avoir tenté de dissimuler la mort de huit enfants lors d’une attaque contre un camp de guérilleros dissidents des FARC à Caquetá. Cette démission découle de critiques sévères envers la sécurité, car en Colombie, la police nationale dépend du ministère de la Défense. De plus, les Colombiens ont participé en masse ce mercredi à des manifestations. Septième jour d’un mouvement social contre la gestion du président économique et social d´Ivan Duque, au pouvoir depuis à peine quinze mois.

Les manifestations en Bolivie avaient une origine différente, tout comme le résultat au final. Ils résultent de la fraude électorale d’Evo Morales. Il s´est présenté une quatrième fois, ce qui était inconstitutionnel, et aurait, selon ses opposants, gagné au premier tour en fraudant. Morales, ainsi que son vice-président, le président du Sénat et le président de la Chambre des députés, ont démissionné. La démission s’est matérialisée après que le commandant des forces armées boliviennes, le général Williams Kaliman eut publié une déclaration, à peine voilée de coup d´Etat. Le gouvernement mexicain a reçu Morales.

L’offre de soutien diplomatique coïncide avec l’émergence d’un bloc d’hommes politiques latino-américains de gauche appelé « Groupe de Puebla » (GDP) qui se veut le successeur apparent du Forum de Sao Paulo. Créé à partir d’une réunion tenue en juillet 2019 dans l’une des villes les plus conservatrices du Mexique, il est financé par la fondation du Parti progressiste du Chili et du Centre d’études stratégiques sur les relations internationales de l’Argentine. Le GDP s’est renforcé fin octobre avec la victoire d’Alberto Fernandez en Argentine et la libération de l’ancien président brésilien Lula da Silva. De plus, Cristina Kirchner revient aux affaires comme vice-présidente de Fernandez. Le retour du « kirchnerisme » compliquera les relations entre l’Argentine et le Brésil, car le président Jair Bolsonaro a annoncé que « l’Argentine avait mal choisi» en commentant les résultats des élections.

L´Amérique latine est en ébullition. Quelles solutions ?