#EditoDeMexico 43 : Crise politique en Bolivie. Et maintenant?

Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM. 

L’ancien président bolivien Evo Morales, qui s’est dit menacé dans son pays, est arrivé mardi 12 novembre au Mexique, où il a obtenu l’asile politique. “La lutte continue”, a promis Evo Morales ajoutant qu’il ne cesserait pas de “faire de la politique”. Il était accompagné d´une vingtaine de personnes dont l’ancien vice-président Alvaro Garcia Linera.

Le chef de l’État était isolé du fait de la grève générale et des manifestations, suite à sa réelection le mois dernier, pour la quatrième fois. Dans la foulée ont également démissionné les successeurs prévus par la Constitution, à savoir le vice-président, la présidente et le vice-président du Sénat ainsi que le président de la Chambre des députés. C’est donc la deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, qui est devenue présidente par intérim, mais sans le quorum nécessaire. Evo Morales dirigeait la Bolivie depuis 2006. “Le coup d’Etat le plus astucieux et le plus odieux de l’histoire a eu lieu”, a-t-il réagi sur Twitter. Les prochaines élections, avec ou sans ce dernier, s´annoncent tendues.

Au delà du candidat de l´opposition Carlos Mesa, Luis Fernando Camacho a été le fer de lance de cette crise. Cet homme d´affaires de la région de Santa Cruz (région riche, industrielle et depuis 2006 opposée à Morales) est présenté par certains comme le “Bolsonaro bolivien”. Il devrait jouer un rôle important à l´avenir.

Mais pour comprendre comment la Bolivie en est arrivée à cette crise politique, petit flashback. Il a joué avec le feu en 2016, en ne tenant pas compte du « non » au référendum, pour pouvoir se présenter à un quatrième mandat. Il a voulu forcer le destin en demandant l´accord du tribunal constitutionnel. De plus, des soupçons de fraude ont entaché le résultat de l’élection présidentielle du 20 octobre dont il s´est proclamé vainqueur dès le premier tour. Enfin, le rapport de l’Organisation des Etats américains (OEA) a confirmé de « graves irrégularités ». Dimanche, il a accepté de retourner devant les électeurs. Mais l´armée lui a demandé de démissionner.

L´Amérique latine est une fois de plus divisée. Le Brésil et la Colombie ont reconnu Añez comme présidente par intérim alors que le Mexique, Cuba et le Venezuela ont critiqué ce qu´ils appellent un coup d´Etat.

En ce qui concerne le Maroc, il s’agit d’une occasion de faire basculer un pays reconnaissant la «RASD» depuis 1982. Un retrait ou au minimum une neutralité confirmerait la percée du Royaume dans la région. Pour le moment, aucune déclaration officielle. Toutefois, cela sera difficile car ce pays a connu de nombreuses transitions politiques depuis 37 ans et a toujours maintenu son erreur d´analyse sur le Sahara marocain. Une stratégie ambitieuse est donc nécessaire. Rappelons nous du cas vénézuelien. Il faudra agir de manière efficace et novatrice.