Chaque semaine, retrouvez l’Edito de Mexico sur DiscoveryMorocco.net dont l’auteur est Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM .
La mise à l´écart de Bouteflika et l´arrestation de plusieurs personnalités proches de lui (dont son frère Said) ne suffisent pas à calmer les manifestants, qui continuent de réclamer un changement de régime et une “IIe République”. Pour le moment une personne ne le permet pas : le chef d´Etat-Major Ahmed Gaid Salah. Il a défendu l´idée d´un cinquième mandat de Bouteflika avant de devenir l´instigateur de sa démission et d´initier une série d’arrestations afin de démanteler le clan présidentiel et calmer la pression populaire.
Depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika, la justice a ouvert des enquêtes contre plusieurs personnalités liées à l’ancien clan présidentiel. Des hommes d´affaires (Haddad et Rebrab), deux anciens patrons des renseignements (les généraux Bachir et Toufik) et Said Bouteflika. Ils encourent des peines pouvant aller de 5 à 10 ans de réclusion criminelle pour « complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire ». La condamnation à mort pourrait s´appliquer si la justice militaire les inculpe de « complot pour changer le régime ».
Revenons à Gaid Salah. Si l’élection présidentielle du 4 juillet ne se tient pas, et il y a peu de chances qu´elle se tienne, un vide constitutionnel existera. L´armée sera face au peuple. Gaid Salah ne peut se presenter à l´élection présidentielle sans démissionner de son poste de chef d´Etat-Major. Une demission le fragiliserait. Une candidature le transformerait en “Sissi Algérien”. Tout sauf un compliment.
Sur le plan regional, les enjeux géopolitiques sont importants avec une Tunisie en pleine crise économique et sociale, une Libye qui sombre dans le chaos et un Maroc voulant maintenir son exception. Depuis son indépendance en 1962, l´Algérie n´avait jamais connu une telle succession de manifestations pacifiques.
Le défi pour ce pays est de ne pas sombrer dans la violence et de trouver une issue démocratique à une situation bloquée. Notons qu´en trois mois le mouvement n´a toujours pas fait émerger de leaders. Sa force pourrait devenir sa faiblesse du fait de son manque de structuration. De plus, une crise économique et sociale semble en marche.