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Analyse : Relations commerciales et économiques entre le Maroc et l’Afrique

Bien avant le retour du Maroc à l’Union Africaine, la présence économique, commerciale et diplomatique du Royaume chérifien était vive. On peut observer que les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne croît, en moyenne, autour de 12 à 15% par an depuis l’intronisation du roi Mohammed VI en 1999.

I.  Les entraves au commerce du Maroc en Afrique et les besoins du futur :

Le Maroc souhaite ainsi diversifier ses marchés à l’exportation. La crise économique en Europe et sur le marché occidental (Etats-Unis) a mis en évidence ce besoin de diversification. Il est important de noter que la majorité du flux commercial marocain se concentre vers la zone Union Européenne (56,7%) et la zone MENA (15%). L’Afrique représente uniquement 3,4% du commerce marocain or qu’il est un gros marché gagnant pour le Maroc.

Toutefois, plusieurs pôles économiques émergent dans le monde comme le continent africain (marché potentiel de 2 milliards de consommateurs), la zone Asie du Sud-Est avec qui le Maroc a signé le traité d’amitié avec l’ASEAN, le Brésil, la Chine, l’Inde ainsi que la Russie. Ces pays ont tous des relations économiques importantes avec le Royaume qui dispose de l’instrument du phosphate, essentiel pour une agriculture soutenable dans des pays à forte démographie et instabilité sociale.

Comment expliquer la part faible de l’Afrique dans le commerce total du Maroc ?

Elle est expliquée par la faiblesse des infrastructures des marchés financiers africains où seuls le Maroc et l’Afrique du Sud performent, de la non-application des protocoles commerciaux suite à un cadre légal non-défini par l’UA et du développement tardif de la politique portuaire, maritime ainsi qu’aérienne de nombreux pays africains. On comprend mieux l’intérêt du Maroc d’intégrer l’UA pour définir un cadre juridique et mettre en place la zone de libre-échange africaine avec les différentes composantes régionales (CEDEAO, CEMAC)

Comme le démontre le graphique ci-dessus, la notion de coût  est indispensable pour comprendre les potentialités d’échanges entre les nations. La fermeture des frontières entre l’Algérie et le Maroc pénalise donc les échanges pour le Maroc vers la Tunisie, la Libye et l’Egypte où les coûts sont faibles pour pouvoir échanger des biens et services.

Graphique 1 : Coûts du commerce en % des valeurs des exportations (Moyenne 2009 – 2015)

Nous pouvons donc conclure que la part de l’Afrique dans le commerce total du Maroc devrait augmenter avec un cadre juridique et commercial défini dans l’UA, des investissements dans les infrastructures de bases comme l’autoroute Tanger-Lagos et de nombreux ports. On peut regretter que l’Afrique dispose uniquement de deux grands ports avec un taux de connectivité au monde très important (Tanger-Med et Port-Said en Egypte).

II.  L’Afrique subsaharienne : Un avantage à l’export pour le Royaume par sa politique de diversification : 

En 1995, le Maroc exportait près de 83 produits vers l’Afrique. Ces produits étaient pour la plupart concentrés en produits agricoles, textiles et dérivés des phosphates. Depuis la politique d’industrialisation du pays, la diversification économique est allé de pair avec la diversité des exportations marocaines vers les subsahariens. Aujourd’hui, le Royaume chérifien exporte plus de 200 produits dont une grande majorité sont des produits manufacturés (haute valeur ajoutée). L’indice de concentration des exportations est un bon indicateur pour démontrer cette affirmation :

Graphique 2 : Indice de concentration et nombre de produits exportés par le Maroc vers l’Afrique subsaharienne entre 1995 et 2014.

Ainsi, la politique de remontée dans la chaîne de valeur et dans la division internationale du travail a permis au Maroc de se forger l’image d’un fournisseur diversifié aux besoins des Africains et à des prix plus compétitifs que leurs homologues européens et chinois. Toutefois, on peut remarquer que la concentration de produits reste significative dans certains pays comme l’Ethiopie, le Kenya et la Tanzanie. Ceci n’est pas surprenant du fait que l’ouverture vers l’Afrique de l’Est n’est que récente et ses premiers besoins se concentrent autour d’une agriculture moderne et des engrais de l’OCP. D’ailleurs, le Maroc a mis en place la plus grande usine de l’OCP, en Ethiopie, pour un investissement de 5 milliards de dollars.

Graphique 3 : Indice de concentration bilatéral des exportations entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne.

Ainsi, la diversification de l’économie marocaine a permis au Royaume d’engager des surplus de plus en plus important vis-à-vis de ses clients africains où les exportations sont en nette croissance. En 1999, le Maroc était en déficit vis-à-vis de l’Afrique de plusieurs millions de dollars, aujourd’hui, le Maroc réalise un surplus net de 1 milliards de dollars. Une zone de libre-échange africaine devrait permettre au Maroc de ne plus dépendre de la conjoncture européenne pour l’exportation de ses divers produits.

Graphique 4 : Echanges du Maroc avec l’Afrique subsaharienne entre 1999 et 2015 : 

L’indice de complémentarité est aussi pertinent pour comprendre si le pays exportateur exploite pleinement les potentialités d’échange avec le pays importateur et ses demandes. Un indice élevé signifie que l’exportateur exploite bien le commerce avec l’importateur et satisfait ses besoins.

Graphique 5 : Exportations du Maroc vers l’Afrique par pays et Indice de complémentarité, en 2013 et en 2015 :

Sans surprise, on voit que le Maroc tire pleinement avantage de ses exportations avec ses alliés naturels de l’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire. L’alliance récente avec le géant de l’Est éthiopien montre que le Maroc tire des bénéfices de son ouverture commerciale sur un autre front africain.

III.  Tendance et structure des investissements en Afrique :

Le Maroc investissait près de 0,1% de son PIB en Afrique en 1999. Aujourd’hui, il investit des milliards et des milliards de dollars dans de nombreux projets (gazoduc Maroc-Nigeria, construction de Juba, réseaux bancaires, projets agricoles de l’OCP). 40% des IDE marocains se dirigent vers de nombreux pays subsahariens.

L’accélération des IDE marocains en Afrique subsaharienne peut être expliquée par l’assouplissement de la règlementation des investissements. Les opérateurs marocains ont en effet plus de facilités leur permettant de saisir davantage d’opportunités à l’étranger, grâce à deux principales mesures :

• La libéralisation, en août 2014, de l’investissement à l’étranger dans la limite de 30 millions de dirhams par an pour les personnes morales ayant au moins trois années d’activité, à condition que la comptabilité de l’entreprise soit certifiée par un commissaire aux comptes externe et que l’investissement projeté soit en relation directe avec l’activité du concerné.

• Le relèvement, en décembre 2015, du montant transférable au titre des investissements à l’étranger, à un plafond de 100 millions de dirhams pour l’Afrique et de 50 millions de dirhams dans les autres continents. D’un autre côté, un fond de 200 millions de dirhams a été créé afin de renforcer la présence des opérateurs privés marocains sur le marché africain.

Les APPI (Association de promotion et de protection réciproque des investissements) permet aux opérateurs locaux d’investir dans de nombreux pays africains. On retrouve des IDE en direction du marché africain francophone de l’Ouest. L’ouverture récente vers le marché anglophone de l’Est et les accords APPI signés lors des nombreuses visites royales devraient stimuler ces IDE bien que des facteurs externes persistent à ralentir la dynamique (culture, langue, infrastructures insuffisantes …).

Graphique 6 : Répartition des IDE marocain vers l’Afrique subsaharienne en pourcentage : 

Dans une volonté d’harmoniser le continent africain dans ses richesses, le Maroc a décidé de mettre en place des investissements de forte valeur ajoutée concentré sur le secteur tertiaire. Pour qu’une intégration africaine soit pleinement exploitée et bénéfique à ses membres, les pays africains doivent être complémentaires socialement et économiquement (pas de grands écarts de PIB, d’inégalités sociales, structure économique forte…).

Graphique 7 : Structure des IDE marocain vers l’Afrique subsaharienne en 2011  en pourcentage

En conclusion, le Maroc a su développer une politique commerciale et d’investissement ambitieuse vers l’Afrique. Bien que le Maroc sort largement gagnant, il pourrait l’être encore plus avec un cadre de libre-échange instauré en Afrique et avec une politique de développement des infrastructures à l’échelle continentale. En effet, la zone Afrique est la zone où le coût des échanges est la plus élevé au monde, ce qui est un frein considérable aux relations commerciales.

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