Si Feu sa majesté le roi Hassan II avait les yeux rivés vers le vieux continent, allant jusqu’à demander l’intégration du Royaume au sein de la communauté économique européenne en 1985 en comparant le Maroc à un « arbre dont les racines sont ancrées en Afrique mais qui respire par ses feuilles en Europe », sa majesté le roi Mohammed VI quant à lui à une vision aux antipodes concernant la diplomatie à mener par Rabat.
En effet, le souverain a fait de l’Afrique la pierre angulaire de sa politique étrangère, permettant de ce fait à Rabat de s’imposer sur le continent. L’ensemble des six tournées africaines du monarque ont permis de confirmer la montée en puissance du royaume chérifien à l’échelle régionale, à la fois dans l’Afrique francophone et anglophone, en témoigne la dernière tournée d’octobre 2016 dont le point de départ fut Kigali et qui s’acheva à Addis-Abeba.
Le Maroc, en réintégrant l’Union africaine et en joignant la CEDEAO deviendrait ainsi aux côtés du Nigéria, la plus importante puissance de l’organisation en question, devançant de facto la Côte d’Ivoire et le Ghana, et asseyant par conséquent sa position de leader africain, tant sur le plan économique que diplomatique.
Rabat s’est donné les moyens de réaliser ses ambitions continentales par l’instauration d’un cadre national favorable à l’expansion vers l’Afrique. Ce cadre est à la fois d’ordre institutionnel et diplomatique.
En effet, le Maroc compte à son actif 14 conventions classiques fondées sur la clause de la « Nation la Plus Favorisée », 6 conventions commerciales de type préférentiel ainsi que des accords relatifs au système global de préférences commerciales. De plus, un assouplissement de la réglementation du contrôle des changes fut mis en place afin de faciliter l’investissement en Afrique, en plus de la conclusion de 7 accords bilatéraux de promotion et de protection des investissements et de 11 accords de non-double imposition.
Concernant le volet diplomatique, afin de favoriser les partenariats sud-sud, le Royaume a procédé à l’annulation de la dette des pays les moins avancés du continent ainsi qu’à la régularisation de plusieurs migrants subsahariens qui sont restés sur le territoire national lors de leur quête de l’eldorado européen.
On peut par ailleurs parler d’exportation du savoir-faire marocain vers l’Afrique, et ce, à différents niveaux.
Concernant la coopération militaire, on peut d’ores et déjà citer le soutien en négociation aux conflits armés entre Bamako et le MNLA. Ajouté à cela, le Maroc figure au rang du 14ème pourvoyeur mondial de casques bleus, et au sein du continent africain, ces derniers sont déployés notamment en Centrafrique sous la bannière de la MINUSCA.
Par ailleurs, toujours dans une optique de solidarité sud-sud, Rabat a entre autres implanté un hôpital militaire de campagne et envoyé des milliers de tonnes de denrées alimentaires lors de la famine qui a frappé le Niger en 2005.
Quant au volet diplomatique, parmi les succès de Rabat figurent la réintégration du Royaume au sein de l’Union africaine ainsi que le changement de position de la Tanzanie quant à la question du Sahara dans la mesure où Dodoma se dirige vers un retrait de la reconnaissance de la RASD.
On peut également souligner le fait que le Maroc procède annuellement à la formation de plusieurs imams sur son territoire compte tenu de l’expérience du royaume dans l’inculcation d’un islam modéré, et mettre en exergue le fait que les étudiants originaires des pays d’Afrique subsaharienne représentent 70% des étudiants étrangers inscrits en cycle supérieur au Maroc.
Enfin, concernant la coopération économique, comme vu précédemment, la mise en place de cadres institutionnels favorisant la coopération économique a vite porté ses fruits dans la mesure où le royaume est présent dans une vingtaines de pays subsahariens et est actif dans les secteurs de la banque et de l’assurance (AttijariWafa, BMCE), de la télécommunication (Maroc Télécom), du transport aérien (Royal Air Maroc), de l’industrie, BTP et immobilier, des phosphates, des énergies et mines, du transport et de la logistique, de la pharmaceutique, de l’agroalimentaire et de la distribution.
Pour soutenir et illustrer ces propos, on peut dire que le volume des échanges commerciaux entre Rabat et les pays subsahariens est passé de 3.6 milliards de MAD en 2000 à 11.17 milliards de MAD en 2010, permettant ainsi au royaume de se hisser au rang de premier pays investisseur africain dans la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ajouté à cela, une trentaine d’accords de coopération économique furent signés à Kigali lors de la dernière tournée au sein de la corne de l’Afrique. Soulignons enfin que la Casablanca Finance City ambitionne de devenir la plaque tournante des investissements vers l’Afrique.