Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.
« Il ne nous reste cher peuple qu’une seule chose. Nous devons accomplir une Marche verte du nord du Maroc à son sud et son est à son ouest » lance SM Hassan II lors de son discours historique du 16 octobre 1975.
Quelques heures auparavant, la Cour Internationale de Justice avait déclaré la chose suivante dans son avis : « Non, le Sahara n’était pas terra nullius au moment de son occupation par l’Espagne. Oui, les populations du Sahara étaient attachées aux Rois du Maroc par des liens juridiques et d’allégeance ».
La Marche Verte représente un moment historique d’élan patriotique marocain. La récupération de l’ancienne province espagnole, avec 350 000 civils en union totale est le fruit d’une stratégie bien définie.
Le Roi Hassan II en avait besoin, afin de réunir les Marocains autour de lui, après les tentatives de coup d’État de 1971 et 1972. Le 6 novembre 1975 a été un moment clé de l’histoire du Royaume. On peut parler de raison d’État pour l’expliquer. Selon Nicolas Machiavel « il faut être prêt à faire n’importe quoi, aussi déplaisant que ce soit, afin de maintenir son État ».
Hassan II reprend ce qu’a dit Machiavel pour justifier le projet de récupération des régions du sud et de consolidation de son pouvoir. Le Sahara, et précédemment Ifni, étaient des questions qui ne pouvaient être négociées. Il lui fallait un acte politique au-delà du rationnel pour démontrer qu’il était un homme d’État, capable de mener les actions nécessaires pour atteindre ses objectifs : mettre fin au processus de décolonisation et neutraliser l’opposition interne (tant la gauche que l’armée).
Le projet de la Marche Verte a joué un rôle clé pour atteindre les objectifs susmentionnés. Ce qui est intéressant dans sa stratégie, c’est qu’il a décidé de mener à bien cette invasion par un discours «pacifique» en disant dans son discours du 16 octobre 1975 que la Marche ne recherche pas la moindre violence, laissant l’armée espagnole sans marge de manœuvre.
Le 16 octobre 1975, quelques heures après la publication de l’avis de la Cour Internationale de Justice, Hassan II annonçait l’organisation de la Marche Verte. Henry Kissinger, alors Secrétaire d’État des Etats-Unis lui propose alors un référendum d’autodétermination sous les auspices de l’ONU et l’annulationde la Marche. Proposition refusée par le Roi.
Le 6 novembre 1975, 350 000 Marocains se sont déplacés vers le désert portant le drapeau marocain, dans le but de suivre leur chef d’Etat dans la poursuite de ses objectifs. Ce chiffre correspondait au nombre de naissances annuelles au Maroc. Le Maroc considère la question du Sahara comme d’intérêt national et l’utilise aussi pour défendre sa position de puissance régionale. Hans Morgenthau l’exprime très bien en disant que l’Etat ne doit avoir qu’un seul impératif catégorique, un seul critère de raisonnement, un seul principe d’action : l’intérêt national ».
On peut aussi dire que l’intérêt national ne s’intéresse pas aux intérêts privés de ses citoyens ou entreprises. Pour satisfaire son intérêt national, un pays doit maintenir sa sécurité. C’est l’une des priorités du Maroc. Comme l’écrit Raymond Aron, «l’intérêt national ne se réduit pas aux intérêts privés».
Il faut désormais espérer une solution définitive à ce conflit. L’autonomie sous souveraineté marocaine est sans aucun doute la meilleure option.