#EditoDeMexico 67 : Pourquoi la Recherche et le Développement deviennent indispensable pour le Maroc ?

Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.

Moncef Slaoui a été au centre des débats dans la presse et les réseaux sociaux, suite à sa nomination par Donald Trump à la tête d’une équipe de recherche sur le Covid-19. Essayons d´élargir la discussion au monde de la recherche au Maroc et à ses failles.

Dans de précédents éditoriaux, j’avais évoqué la nécessité de réformer conjointement recherche et enseignement afin de favoriser le développement du Royaume (analyser les problèmes et fournir des solutions, plus faire de la prospective afin d’anticiper les problèmes à venir).

Le dernier rapport de la Cour des comptes constate que sur les 1200 publications dans des revues indexées produites par les chercheurs de l’Université Mohammed V de Rabat, en 2015, “seulement 4,09 % concernaient les sciences humaines et sociales”. Les sciences dures, l’ingénierie et la médecine dominent largement la production nationale.

Notons que la stratégie nationale pour le développement de la recherche scientifique à l’horizon 2025 prévoit de créer un statut de chercheur pour les personnes faisant de la recherche dans des centres ou instituts, sans nécessairement être statutairement des enseignants-chercheurs. Les doctorants, qui sont des chercheurs en cours de formation, doivent également pouvoir bénéficier de ce statut. Précisons que, selon le ministre, avec 35 000 chercheurs, le Maroc est le pays africain qui compte le plus de chercheurs, soit 1800 chercheurs par million d’habitants.

Mais revenons au cas Moncef Slaoui. Ce biologiste travaille pour un laboratoire mondialement connu après avoir enseigné en Belgique et aux Etats-Unis. Cela nous amène donc à la question de la recherche et développement au sein du Royaume.

Les dépenses du Maroc dans ce domaine se sont limitées à 0,8% du PIB en 2017. Un taux faible comparativement à celui des pays de l’OCDE (2,3% en moyenne), malgré sa progression par rapport à 2016 (0,34%).

A cela s’ajoute les procédures d’engagement qui posent vraiment problème. Des “sommes considérables’’, selon le ministre Amzazi, ne sont pas utilisées par les universités car les procédures sont complexes et lentes. Les standards internationaux du monde de la recherche impose souplesse et réactivité.

Si selon l´UNESCO, le Maroc, est le 3ème pays en Afrique (après l’Égypte et l’Afrique du Sud) a investir dans la recherche et développement, cela reste insuffisant au regard des défis. Seulement 22 % des fonds proviennent du privé. L´Etat continue de financer la grande majorité de la recherche. Le nouveau modèle de développement devrait promouvoir un financement partagé en incitant fiscalement les entreprises à investir dans ce secteur. Les partenariats Universités/Entreprises sont à promouvoir.

Selon le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), le Maroc doit se fixer un objectif de 3% du PIB en dépenses annuelles de R&D (publiques et privées) à un horizon de 10 ans et de 1,5% en 5 ans. Allons plus loin du fait de cette pandémie et du nouveau modèle de développement en construction et investissons 3% du PIB d´ici 5 ans. Le CESE, dans son rapport consacré à cette question, ajoute qu´il faudra “augmenter le financement direct des centres de recherche publics et les appels à projets portés par les agences de moyens (CNRST, IRESEN, etc) afin de stimuler le développement de projets dans des thématiques technologiques ou dans le cadre de contrats-programmes avec des secteurs industriels”. De plus, le CESE a insisté sur le fait les innovations technologiques ne peuvent se développer avec le cadre légal et réglementaire actuel.

Il faut donc laisser aux centres de recherche publics une autonomie budgétaire. L’objectif est qu’ils puissant investir librement et puissant verser des rémunérations complémentaires aux chercheurs émérites.

Si les Marocains sont fiers de voir Moncef Slaoui reconnu aux Etats-Unis, ils souhaiteraient également voir des profils brillants comme le sien travailler au Maroc dans de bonnes conditions. Au delà de la recherche, toute l´économie marocaine en bénéficierait et en particulier son industrie. Cette dernière est un élément central de la discussion post-pandémie. Une industrie compétitive dans la globalisation a besoin d’innovation et donc de la Recherche et le Développement.