#EditoDeMexico 60 : Le Coronavirus et la sécurité au Maroc

Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman) ILM.

Le coronavirus nécessitait une réponse globale sur le plan national. De nombreuses décisions ont été prises des dernières semaines. La fermeture de l’espace aérien et maritime, l’annulation des rassemblements et des manifestations sportives, culturelles et artistiques, la suspension des cours dans les écoles et les universités, la fermeture provisoire des mosquées, la suspension des audiences dans les différents tribunaux, plus la fermeture des espaces publics non nécessaires.

Un fonds spécial a également été créé par SM le Roi, que nous avions évoqué dans un précédent éditorial. Des sommes importantes y ont été allouées. Si 10 milliards de dirhams étaient espérés, le fonds atteint quasiment les 33 milliards de dirhams (soit 3% du PIB). 10 milliards de dirhams émanent du Budget de l’Etat et 23 milliards sont des dons.

En plus des salariés déclarés à la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) qui bénéficieront d’une indemnité mensuelle de 2000 dirhams, les travailleurs du secteur informel bénéficiant du RAMED (Régime d’Assistance Médicale) recevront entre 800 DH et 1.200 DH par mois, selon la taille du ménage. Les ménages ne disposant pas de RAMED vont également en bénéficier en remplissant leurs demandes à travers une plateforme électronique. Les personnes physiques et morales « pourront également bénéficier du report du remboursement des échéances des crédits bancaires jusqu’au 30 juin 2020. Mesures pour les entreprises, PME, TPME et les professions libérales ».

D’un point de vue sécuritaire, l’Etat d’urgence sanitaire a été déclaré. La liberté de circulation est donc restreinte depuis le vendredi 20 mars. Quitter son domicile est conditionné par l’obtention d’un document officiel auprès des agents d’autorité pour des conditions précises comme se rendre au travail et pour l’approvisionnement en produits nécessaires ou pour recevoir les soins nécessaires ou pour se rendre en pharmacie. Les mesures prises sont fortes car la situation est grave. Certains parlent de « guerre » contre un ennemi invisible.

Mais comme le disait Clausewitz, la chose militaire (et sécuritaire en général) n’a pas de sens en soi ; elle doit s’insérer dans un contexte plus large, à la fois politique, intellectuel et tout simplement humain. En temps de guerre, plus qu’en toute autre occasion, l’Etat, détenteur du monopole de la violence légitime doit voir ses décisions respectées. L’Etat dans sa communication doit faire preuve à la fois de beaucoup de pédagogie et d’une grande fermeté.

Le Royaume vit un élan patriotique inédit depuis la Marche Verte en 1975. Nous traitons d’une question de sécurité nationale (« identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions » et de la nécessité de garantir la sécurité économique (« matérialisation d’un politique d’Etat visant à protéger et à promouvoir les intérêts stratégiques de la nation »). La mise en avant du concept de « sécurité humaine » est également nécessaire, tel que le définit l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 66/290.

Elle « a pour objet d’aider les États Membres à cerner les problèmes communs et généralisés qui compromettent la survie, les moyens de subsistance et la dignité de leurs populations et à y remédier », et « appelle des réponses axées sur l’être humain, globales, adaptées au contexte et centrées sur la prévention, qui renforcent la protection et la capacité d’action individuelle et collective ».

Cette pandémie impose donc une redéfinition des fonctions régaliennes de l’Etat, qui devront être élargies à la santé et à la recherche scientifique.