Tous les vendredis sur Discovery Morocco, retrouvez l’Edito de Mexico sur DiscoveryMorocco.net dont l’auteur est Mohamed Badine El Yattioui, docteur en Science Politique de l’université de Lyon (France). Spécialiste des questions de sécurité globale et de gouvernance globale, il enseigne à la UDLAP (Universidad De Las Américas Puebla) au Mexique et à l’Université Jean Moulin Lyon III. Il préside le think-tank NejMaroc, Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation qui publie une revue semestrielle et qui organise des événements dans différents pays et dirige le Séminaire Permanent sur le monde musulman (Observatorio sobre el mundo musulman).
Abdelaziz Bouteflika sera bien candidat à un 5e mandat, malgré les contestations et la maladie. Sa candidature a été déposée le dimanche 3 mars au Conseil Constitutionnel, bien qu’il soit toujours à Genève pour recevoir des soins. Ali Benflis, principal adversaire du président lors des présidentielles de 2004 et 2014 et qui fut son premier ministre de 2000 à 2003, ne se présentera finalement pas le 18 avril. Cette élection n’a plus « de raison d’être », du fait des manifestations, selon lui. Essayons de voir les conséquences politiques et géopolitiques de ces évènements.
La veille, celui qui est président depuis 1999 s’est séparé de son directeur de campagne, l´ancien premier ministre Abdelmalek Sellal, pour le remplacer par le ministre des transports, Abdelghani Zaalane. Sellal était un homme clé du « système Bouteflika ». Il avait animé ses trois précédentes campagnes en 2004, 2009 et 2014.
Après les manifestations des deux dernières semaines, son limogeage est un premier signe du pouvoir car en l’absence du président depuis son accident vasculaire cérébral de 2013, Sellal était en première ligne. Le second signe vient de la lettre présidentielle du dimanche 3 mars dans laquelle il promet une élection anticipée à court terme, à laquelle il ne se représenterait pas. Censée calmer la pression populaire elle pourrait au contraire créer une confusion au sein de la société algérienne pour au moins deux raisons : elle démontre la panique du régime face à ce mouvement spontané et populaire et elle risque de « geler » tout débat politique, économique ou social jusqu’à cette élection anticipée.
Précisons que l’économie algérienne va mal. La rente pétrolière et gazière atteint ses limites. Les hydrocarbures représentent, en moyenne, 95% des exportations totales et 60% des recettes publiques de l’Algérie. Les réserves de change de ce pays étaient de 178 milliards d’euros en décembre 2014. En décembre 2018, elles n´étaient plus que de 82 milliards d’euros. La politique d’assistanat, qui servait à contenir les revendications populaires en achetant la paix sociale, devrait atteindre ses limites d´ici peu. En 2021, les réserves de change ne devraient plus être que d´une trentaine de milliards d´euros. La panique naitra lorsque ces réserves seront à 10 milliards de dollars, soit 3 mois d’importations. Les conséquences risquent d´être terribles avec une baisse drastique des importations (notamment alimentaires), une épargne des citoyens non convertible et une grande difficulté à emprunter sur les marchés internationaux. De plus, le manque d’investissement, la faiblesse de son industrie et le manque de diversification de son économie sont inquiétants.
Notons également que cela pourrait affecter la politique étrangère algérienne à moyen terme. Des ressources importantes sont dépensées, depuis quarante-quatre ans, pour le soutien au Polisario et à la prétendue « RASD » afin d’avoir un leadership maghrébin, au lieu de construire l´Union du Maghreb Arabe. A cela s´ajoute le fait que l’Algérie ait la plus grande frontière saharienne et six voisins (Maroc, Mauritanie, Mali, Niger, Tunisie, Libye).
Sa déstabilisation aurait des conséquences régionales importantes dans des domaines aussi différents que le terrorisme, le narcotrafic ou les migrations. Une crise multidimensionnelle d’envergure affecterait inéluctablement sa diplomatie et ses ambitions régionales.