LA POLITIQUE DE L’IDENTITE DANS UN DOMAINE POLITIQUE COLONIAL

Le sultan Moulay Youssef et le Maréchal Lyautey en 1925 (Archives du Maroc).Sous Copyright.

« Et maintenant nous allons faire le Maroc. »

Commentaire de Hubert Lyautey, le premier général de résidence français, observant Moulay Abd-al Hafid, le sultan qu’il venait de déposer et de remplacer, monte à bord d’un navire l’emmenant en exil en août 1912 (Rivet 1996).

Dans le livre de Jonathan Wyrtzen titulé « Fait du Maroc », il décrit:

 

À la fin du mois de septembre 1930, après trois mois de manifestations hebdomadaires dans les villes du nord du Maroc, une délégation de huit hommes s’est rendue de Fès à Rabat pour rencontrer le jeune sultan Mohammed ben Youssef. La pétition qu’ils lui présentaient montrait que les Français, dans l’expression que Lyautey avait utilisée les dix-huit ans plus tôt, avaient « fait du Maroc ».

Le catalyseur du mécontentement a été la prétendue politique berbère de la France, une politique de reconnaissance coloniale qui a réifié une distinction ethnique entre les Arabes et les Berbères. Depuis 1914, les autorités françaises ont installé un système de tribunaux tribaux dans les montagnes du Haut-Atlas central et central, que les Français ont désignées comme « de coutume berbère », aient été « pacifiées » (conquises militairement) et placées sous administration française.

Dans les années 1920, ils ont également commencé à mettre en place dans ces mêmes régions un système d’enseignement séparé pour les écoles franco-berbères, qui offrait peu ou pas d’enseignement en arabe ou en islam. Ces distinctions juridiques et éducatives fondées sur l’appartenance ethnique ont suscité peu de réactions de la part du public marocain jusqu’en 1930, année où la résidence a promulgué un décret (Dahir), signé le 16 mai par le sultan, qui mettait le système juridique coutumier berbère sur un pied d’égalité, affaires pénales devant les tribunaux français.

Cet effort visant à officialiser davantage une politique de différenciation ethnique a catalysé une tempête de protestations populaires qui ont déferlé sur de nombreuses villes du Maroc pendant des semaines cet été.

En juin, un groupe de jeunes militants urbains, de langue arabe, ont commencé à faire campagne contre ce qu’ils ont appelé le dahir berbère. Le décret du 16 mai était à leurs yeux une menace fondamentale pour l’unité de l’Oumma marocaine, ou communauté musulmane: ils affirmaient qu’il retirait les Berbères de la juridiction de la Charia et faisait partie d’une stratégie française visant à christianiser les Berbères.