Le conflit autour du Sahara : historique d’une escroquerie politique et diplomatique.

Partie I : de l’occupation espagnole à la marche verte.

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En termes de chiffres, le Sahara représente au jour d’aujourd’hui plus de 570.000 habitants répartis sur 266.000 km².

En termes de valeur sentimentale, le Sahara représente depuis 1975 une cause nationale ancrée dans l’esprit de tout marocain, ethnie et confession confondues.

A travers cet article, on se propose de dresser l’historique d’un conflit tantôt jugé artificiel, tantôt jugé monté de toutes pièces dont l’instrumentalisation en vue de lui accorder des dimensions diplomatiques et politiques n’a pour autre but que la déstabilisation et la remise en cause de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Maroc. En effet, dans un monde arabe en crise, mutilé par des ambitions séparatistes et divisionnaires, le Royaume apparait comme  une exception, et ce, à tous les plans.

Dès le VIIIe siècle, le Maroc était le seul Etat constitué et qui n’a sans cesse affirmé sa souveraineté du fleuve Sénégal à la Méditerranée, et on peut affirmer que le Makhzen exerçait dès lors son influence de Tanger au fleuve Sénégal. Ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle  que le partage fait par les puissances coloniales a modifié cela.

Concernant les régions de Seguiet El Hamra et Oued Ad Dahab, aucune forme d’organisation politique  indépendante n’a existé, et ce jusqu’à la colonisation espagnole qui a débuté en 1884. On peut donc situer le point de départ du conflit autour du Sahara en 1884, concomitamment à la colonisation espagnole sur le territoire.

A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, plusieurs puissances considéraient les régions pré-citées comme étant marocaines, en témoigne l’accord de 1895 conclu entre l’Angleterre et le Maroc qui reconnaissait les frontières marocaines comme allant jusqu’au sud de Boujdour. La négociation franco-espagnole de 1902 considérait quant à elle Seguiet El Hamra et Oued Ad Dahab comme étant marocaines. Enfin, en avril 1906, les accords d’Algésiras plaçant le Maroc sous la protection de grandes puissances européennes fixent les frontières marocaines à la limite de Oued Ad Dahab et de ce qui était considéré à l’époque comme « l’Afrique française ». On peut donc voir en analysant les différents traités conclu dès le 19ème siècle qu’à aucun moment de l’histoire du royaume, il n’a été question de terra nullius.

Toure l’histoire du Maroc est basée sur les rapports nord-sud  et sur les étroits liens entre les territoires sahariens et la plus part des dynasties qui ont régné sur le Maroc. A ce titre, on peut souligner que Youssef Ibn Tachfine (Youssef 1er, fondateur de la dynastie almoravide) ainsi que les rois alaouites procèdent des territoires sahariens en question. A l’image des autres provinces marocaines, les habitants du Sahara sont de diverses origines, les populations appartenant à diverses tribus distinctes, quelles soient arabes, berbères, arabo-berbères, maures ou noires africaines.

En 1956, lorsque le Maroc retrouve son indépendance, l’un des premiers actes du roi Mohamed V fut  de dire que la réunification du royaume, de la méditerranée au Sahara, relevait de l’ordre de la priorité, et en 1958 les autorités marocaines coordonnent avec les tribus du Sahara un soulèvement contre l’Espagne, soulèvement soldé par l’intervention de l’armée française via l’opération écouvillon en février 1958 permettant de facto à l’Espagne de conserver l’essentiel des territoires du Sahara ainsi que l’enclave d’Ifni.

Dès son intronisation,  le roi Hassan II réitère la volonté et l’objectif de réunification de son royaume, et c’est ainsi qu’à l’occasion de la première conférence au sommet des non alignés à Belgrade en septembre 1961, il déclare devant une assemblée attentive qu’ « au Maroc, l’Espagne continue d’occuper des régions entières au sud de notre territoire :Seguiet Al Hamra, Ifni et Ouad Ad Dahab ».

Il parait pertinent de se poser la question de savoir comment les territoires en question n’ont pas été rétrocédés normalement à l’instar des régions de Tarfaya en 1958 et de  la zone d’Ifni en 1969. La réponse à cette question n’est en rien novatrice, puisque  à l’image des conflits qui ont mû l’humanité depuis la nuit des temps,  il est question ici de jeux, calculs et d’intérêts : la région en question dispose de grands gisements phosphatiers et d’une façade océanique riche en ressources halieutiques faisant d’elle un point stratégique majeur.

Soulignons que le conflit autour du Sahara ne peut se comprendre qu’à l’aune de l’attitude hostile d’Alger  à l’encontre de Rabat. En juillet 1973, un accord secret fut conclu entre le ministre des affaires étrangères algérien de l’époque Bouteflika, et son homologue espagnol Bravo dont une des clauses stipulait la favorisation de l’émergence d’un mouvement revendiquant l’indépendance du Sahara, mouvement personnifié ultérieurement par le Polisario. A sa création, le Polisario est un  petit mouvement d’activistes gauchistes marocains fondé par un jeune étudiant en médecine à Rabat, vouant une admiration sans limite au leader de la révolution cubaine Che Guevara. El Ouali Mustapha Sayed, fondateur du front Polisario  finira assassiné en juin 1976 après un contact avec la tribu des Ma el Ainin qui aurait réussi à le convaincre que la solution à ce conflit passait nécessairement par une entente avec le royaume. Le Polisario a joui de l’appui  de la Lybie dans un premier temps, puis d’un soutien sans faille de la part de l’Algérie.

Le 17 septembre 1974, le roi Hassan II annonce son intention de porter l’affaire du Sahara devant la cour internationale de justice de La Haye. La question soumise aux juges était double. Il s’agissait en effet dans un premier temps de savoir si le Sahara, était comme le prétendait l’Espagne une terre n’appartenant à personne au moment de sa colonisation, et si les territoires en question avaient  et entretenaient des liens avec le pouvoir central marocain.

Le 16 octobre 1975, la CIJ rend son avis consultatif  où elle affirme que le territoire n’était pas  terra nullius lors de la colonisation, et qu’il existait au moment de la colonisation espagnole de liens juridiques d’allégeance (Al Bayaa) entre le sultan du Maroc et certaines tribus vivant sur le territoire du Sahara.

Conforté par  l’avis de la cour, Hassan II,  appelle son peuple à effectuer une marche verte et le  6 novembre 1975 350.000 marocains armés de drapeaux nationaux et du saint coran se rendirent au Sahara pour y planter le drapeau marocain. S’en suivit la conclusion de l’accord de Madrid le 14 novembre 1975 entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie fixant les modalités de rétrocession des territoires avant février 1976 et le transfert de l’administration du territoire à Rabat et à Nouakchott ; cette dernière finalement y renoncera en 1979, date à laquelle le Maroc exerça de nouveau sa souveraineté sur tout le territoire.